Tran Van Nghia, bien que reconnu par ses pairs, préférait rester dans un certain anonymat qu'il convient de lever.
Tran Van Nghia est né en 1913, à Hai Phong. Il n’était pas
destiné à devenir maître d’arts martiaux. Son engagement dans les arts martiaux
s’est fait de façon fortuite. Sa mère et sa sœur travaillaient au marché d’Hai
Phong. Durant la journée il restait chez lui et étudiait auprès d'un lettré en
langues anciennes et en langue vietnamienne. Un hiver, à 6h00 du matin, il
était parti pêcher avec peu de vêtement sur le dos. Il rencontra alors un homme
d'environ 45 ans. Celui-ci lui demande s'il n'a pas trop froid. Le garçon lui répond par
l'affirmative mais qu'il ne peut s'habiller plus chaudement. L'homme lui répond
que s'il ne veut pas tomber malade il doit étudier les Arts Martiaux. L'homme
s'appelle Huy Hung. A partir de ce moment, le jeune garçon ne quitte plus celui
qui deviendra son Maître.
Huy Hung lui enseigna deux leçons à mains nues, Luyen Cong
Van Khi Quyen et Lien Hoa Phap Quyen destinées à renforcer la condition physique
de son élève. La leçon Luyen Cong Van Khi est une leçon qui se travaille d’une
manière isométrique/isotonique tandis que Lien Hoa Phap Quyen se travaille plus
en explosivité. Ces deux leçons sont les piliers de la pratique du jeune élève.
Champion de combat libre
Après une dizaine d’année d’entrainement, en 1936, Tran Van
Nghia décide de participer au championnat de combat libre du nord (du Vietnam).
Dans cette optique maître Huy Hung lui enseigne Hue Hue Quyen. Son kung fu
était caractérisé par une très grande dureté osseuse, des coups de pieds ou de
poings d’une puissance phénoménale, et une très grande dextérité des mains.
Ainsi même à 80 ans, pour montrer son kung fu, il lui arrivait de frapper de
toutes ses forces un mur qui tremblait. sous ses coups. Sa boxe était imprégnée
de sens tactique enveloppée d’une intention sans faille.
Le 1er mai 1936 il remporte donc le championnat de combat
libre en battant un lutteur du nom de Nguyen Dinh Binh. Pour la petite
histoire, les maîtres Tran Tiên et Phạm Huy Thụ étaient aussi champions de ce
championnat mais dans des disciplines différentes.
Or la situation coloniale au Vietnam commencent à être
ébranlée dans les années 1930. Les effets de la crise économique de 1929
commencent à se faire ressentir. En 1931, le parti communiste indochinois est créé, propageant
des idées révolutionnaires. De nouvelles forces sociales émergent et se manisfestent à travers des
manisfestations paysannes et des grèves. Tous ces mouvements sont militairement
et policièrement réprimendés par le pouvoir colonial.français. Dans ce contexte
social, après sa victoire aux championnats de combat libre de 1936, il quitte
sa région pour échapper à d'éventuelles sanctions françaises. Il se retrouve à
terme à Saïgon.
Un tigre féroce à chaque bras
Là bas, il cotoie divers maîtres comme Trần Tiến qu’il
considérait comme son frère, Trương Thanh Đăng le fondateur de l'école Sa Long
Cương,... Il était très respecté dans le milieu des arts martiaux vietnamiens
de Saïgon. Cependant, il n'a jamais ouvert d'école officielle. Il préférait
rester en retrait et enseigner chez lui à quelques élèves. Sur l'insistance de
certains de ses élèves il donne un nom à son style : le Trúc Liên Nội Gia Quyền
Võ Ta Viẹtnam.
Parmi ceux qui sont venu étudier auprès de lui, on peut
citer : Hoang Van Tho, un maître du Thiếu Lâm Lam Sơn, Tran Ngoc Dinh,
fondateur de l'école Viet anh Mon et qui vit en Italie, Ly Hong Thai le fils du
fondateur du style Hồng Gia La Phu Sơn, Nguyen Dong Dien, un maître de Lam Sơn Võ
Đao, Le Van Loi, un maître de Sa Long Cương. Pour la petite histoire, après sa
rencontre avec Tran VanNghia, Ly Hong
Thai le décrit à son père, maître Nguyen Manh Duc, comme quelqu’un ayant un
tigre féroce à chaque bras.
Maître Nghia s'éteint
le 25 octobre 2002. En tout et pour tout, il n'a reconnu que six disciples :
Nghiem An Thach, Duong Hoang Tuân, Do Tuong Phuoc, Bui Duc Hung, Tuong Tri et
Eric Bauer son disciple cadet.
Parfois, il a du relever quelques défis. Une fois, il s’est
retrouvé au milieu de marécages suite à un défi lancé. La scène se déroulait
sans aucun témoin. Au début du combat, les deux protagonistes s’observaient.
Tran Van Nghia voit une ouverture. Il
décide d'en profiter pour asséner un coup de poing au visage. En fait il
fit ce qu’attendait son adversaire. Celui-ci opposa un coup de tête à son coup
de poing. Le combat s’arrêta là et chacun reparti de son côté. Tran Van Nghia
disait qu’il ne savait pas si la tête de son adversaire a subi des conséquences
suite à son coup mais son poing, lui, était toujours là.
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